Dans mes souvenirs, Saint Nicolas c'est : l'instituteur qui interrompt la leçon, qui nous fait sortir dans la cour et nous emmène dans la salle de gym, et puis il y a un monsieur avec des lunettes noires qui arrive et tout le monde l'applaudit. Et là, on se dit "ça y est, un dictateur a pris le pouvoir, et on va tous se faire fusiller, c'est pour ça qu'on est tous rassemblés, il y a peut-être moyen de fuir par une fenêtre, argh et ce tyran a déjà buté le directeur (vu que tout le monde est présent sauf lui), sans doute parce que le brave homme ne voulait pas coopéer à l'établissement d'une dictature" - et là, on se rend compte que le monsieur aux lunettes de soleil porte aussi une grand cape rouge et une m-i-t-r-e (on a appris le mot exprès), il s'asseoit sans rien dire, et il nous fait tous défiler devant lui. Il nous demande si on a été gentil ; on ment, bien entendu "oui oui, file-moi mon cadeau", et on reçoit, pour prix de notre soumission, un bocado, généralement éducatif (un jeu de questions-réponses sur les oiseaux des Pyrénées), puis on lui dit au revoir, mais avant on lui chante la petite chanson qu'on a apprise en flamand "Sint Niklaas kapountche, blatwatermeun schoentjes, blablaten en laarche, dankje Sinterklaache", puis il se barre en Opel, puis on va tous à la cantine, on mange une grosse couque de Saint-Nicolas trempée dans du chocolat chaud, et le directeur revient, comme tous les ans il a raté la venue de Saint Nicolas, et l'après-midi, on peut jouer à perdre des éléments du jeu qu'on a reçu et à écraser des mandarines au fond du cartable. Et le soir, on exhibe fièrement de notre cartable un agglomérat de mandarine écrasée et de fiches avec des oiseaux dessus, et maman dit de pas en mettre partout, et papa dit qu'il faut ranger tout ça, parce qu'on va bientôt manger. (Et le soir, on peut regarder ce qu'on veut à la télé, wééééé, vive Saint Nicolas !)