Discussion: La Louvière
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Vieux 01/09/2006, 10h16
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Bon, certains vont hurler à la fainéantise... Rassurez vous, ceci est un petit bonus pour ceux que cela pourrait interesser. Mais en lisant cette petite chronique sur le wallon du Centre (un wallon hybride sans véritables racines du terroir, vu que comme je l'ai dit La Louvière est une ville partie de rien), je me disais qu'il retranscrivait assez bien l'esprit de la langue wallone de chez moi... à savoir, pas vraiment de règles précises, une diversité importante, et une constante évolution.





Est-il plus dur de wèrkî que de boutér ?



À La Louvière, nous sommes tous des immigrés. Sitôt la cité devenue autonome, en 1869, Flamands mais aussi Hollandais et Luxembourgeois envahissent pacifiquement notre région, les premiers car leur agriculture ruinée les oblige à y venir gagner de quoi subsister, les seconds et les troisièmes surtout pour leur expérience en matière de faïencerie. Ainsi, le président fondateur des Gilles Boute-en-train, en 1886, sera Jan Jongen, maître-mouleur hollandais à la Faïencerie Keramis tandis que Philippe Müller, descendant de famille grand-ducale, sera co-fondateur du Mouchon d’Aunia en 1912.



Par un phénomène naturel facile à comprendre, le langage maternel des différents courants migratoires va s’imprégner dans le terroir au point d’influencer voire corriger notre vocabulaire. L’imposante colonie italienne n’a-t-elle pas contribué à l’enrichissement de notre français par l’introduction d’un certain nombre de mots ou expressions qui respirent le soleil méridional ? Une langue ne survit et n’évolue que grâce à l’apport de mots étrangers



À la page 266 du « Trois suppléments au dictionnaire du wallon du Centre » de Robert Dascotte, nous trouvons le verbe wèrkî dont la définition est la suivante : « travailler d’arrache-pied » avec, pour l’illustrer, la phrase « pou saquî pètotes, nos-avons wèrkî dusqu’a bîn târd. » Les origines de ce verbe n’ont pas besoin d’être indiquées pour que nous devinions qu’il nous vient des Flamands (ou des Hollandais ?…) : néerlandais werken mais aussi anglais to work. À force de parler wallon à des Flamands qui ne connaissaient au départ que leur patois et donc à la longue d’entendre notamment ce mot à la fois valorisant et effrayant « werken », il a dû se mélanger au parler régional et s’est retrouvé wallonisé en wèrkî.Ce terme est généralement méconnu des locuteurs car il est occulté par un autre, plus courant celui-là et typiquement régional : boutér. Le dictionnaire Nopère-Deprêtre nous en donne la définition suivante : « travailler, agir, s’efforcer » avec, pour exemples :boutér pou soufleû (travailler comme souffleur de verre) ; il-ont boutè pou bîn fé ; lès voleûrs ont boutè pou forcî l’sèrûre. Cette définition n’est plus tout à fait convaincante aujourd’hui car, par extension, ce verbe est utilisé lorsque l’on parle de « travailler dur ou d’arrache-pied » donc il se superpose en synonyme de wèrkî. D’un travailleur zélé, nous dirons : « c’è-st-in bouteû ! » Le substantif ainsi obtenu évoque plus un stakhanoviste qu’un travailleur lourd à la détente.



Je parlais plus haut de poncif ? Ah misère, le citoyen wallon use encore trop souvent de celui selon lequel le Flamand serait naturellement plus courageux que lui : c’è-st-in Flamind, il èst coradjeûs – lès Flaminds n’ font jamés grève – lès Flaminds n’ ont nîn peû d’ sè l’vér timpe pour dalér… wèrkî, etc…Ces assertions sont-elles fondées ? Je vous laisse juges car je ne suis pas capable et ce n’est pas mon but de mener une enquête sociologique sur la question. Cependant, il est sûr que la prononciation du mot, elle-même, inspire une notion de rudesse : le « è » (donc grave) propulsé par le souffle du « w » et suivi de l’enchaînenement de ces deux consonnes « r – k » dont le mariage assez inesthétique donne une impression d’engrenage d’horlogerie finissant sur un « î » long et sonore. Brrr… À côté de cela, boutér donne une intonation plus laborieuse, plus pesante. Personnellement, il me semble qu’on boute parce qu’il le faut et qu’on wèrke avec enthousiasme. Et vous m’attendez au tournant : moi aussi, je sous-estime le travailleur wallon par rapport à son homologue flamand. Non pas, c’est seulement la différence de sonorité entre le germain et le latin que je vous invite à apprécier. De toute façon, si ça peut vous rassurer, le terme wèrkî est tombé en désuétude et il m’a fallu le dénicher par hasard dans les trouvailles de Robert Dascotte pour en connaître l’existence. Boutér, lui, a survécu. Et il est d’ailleurs grands temps de boutér tant et plus pour redresser notre Wallonie…
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Allez les Cajuns!! http://www.youtube.com/watch?v=0dglMqP_zEI
Parleeeez-nous à boire....


Dernière modification par Cypho51 ; 01/09/2006 à 10h20.
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