Mercredi 16 avril :
Ce matin, quartier libre. Je travaille mes cours, papa entretien (tant bien que mal) le moteur, maman et tania vont faire du shopping. Après discussion, les parents se désistent pour nous laisser faire la balade à cheval dont les places sont limitées. Les chevaux sont calmes et habitués au climat et à la dense végétation de la forêt.
belle croupe
La balade est agréable mais les seuls animaux que nous verrons seront des mouches.
Les préparatifs pour l’expédition de 3 jours en forêt commencent : hamac, couverture, pantalon, chaussures de marche, machette, lampe de poche, poncho de pluie, répulsif anti-moustique, un peu de toilettes.
Jeudi 17 avril :
Nous embarquons sur le bateau fluvial qui nous promènera durant les prochains jours sur le rio Tapajòs.
notre "chambre", avec l'équipage
En tout, nous sommes 17 passagers du RIDS et une demi-douzaine de membres d’équipage, plus Jean-Pierre, notre guide, un français installé dans la région depuis quelques années. La première sortie débute par l’ascension d’une colline surplombant Alter Do Chão. A l’origine c’est un site sacré indien, à cause des nombreux éclairs qui y tombaient, mais aujourd’hui on y trouve une vague structure en fer représentant des croix chrétiennes. La vue est superbe.
manque plus que les Shamans
Après la chaleur de la marche nous nous baignons avant de repartir en bateau vers un petit bras de rivière abritant de nombreux oiseaux et des nénuphars géants.
En fin de journée nous reprenons la navigation vers le sud. A bord, le confort est très rustique mais on trouve quand même un cabinet de toilette/douche et la nourriture est excellente, c’est même une des meilleures que j’ai mangé au Brésil jusqu’ici. Je passerai la première moitié de la nuit avec Tania dans une des rares couchettes à l’avant du bateau, mais les ronflements d’un des équipiers brésiliens nous repousseront vers la cale du bateau, où nous dormirons, avec l’équipage, dans notre hamac double place. Pendant ce temps, les autres dorment tous, serrés, au dessus.
Vendredi 18 avril :
Finalement, on dort très bien dans un hamac. A bord, l’ambiance est bonne, tout le monde profite bien du voyage. Aujourd’hui nous visitons une communauté Caboclos, Vista Alegre. C’est une des premières communauté à s’ouvrir à l’écotourisme. Sa particularité est de faire cohabiter une population catholique d’un côté et évangéliste de l’autre. Au Brésil, la lutte fait rage, mais pour le visiteur non averti (non chrétien…) la différence ne saute pas aux yeux. Si ce n’est que les catholiques sont un peu plus nombreux et qu’ils disposent de maison en briques, fournies gratuitement par le gouvernement, alors que les évangélistes possèdent des maisons traditionnelles en bois. Mais ces maisons en briques sont de vrais fours sous l’Equateur et beaucoup reviennent à leurs constructions traditionnelles. L’école publique, que nous visitons, est laïque et abrite les enfants des deux communautés.
foudre ou guerre de religion ?
pressoir à manioc
maison traditionelle
Nous nous rendons ensuite dans un coin de forêt, sur un iguarapé, c'est-à-dire une petite rivière serpentant sous les arbres. En fait c’est toute une zone de forêt inondée à travers laquelle une trouée dans la végétation dessine comme une rivière, avec un léger courant et une eau très pure : les igapòs. Chaque barque est dirigée par un rameur local, ce qui est aussi une façon de donner du travail à un maximum de villageois.
deep forest
en mouvement et en musique (cliquez ici)
La balade au milieu de cette nature généreuse est enchanteresse, elle s’achèvera par un sprint entre les barques sur une grande étendue d’eau. Mon rameur semblait attendre ce moment depuis le début !
L’objectif principal de ce voyage de 3 jours est la rencontre avec de véritables indiens vivant de façon traditionnelle au milieu du parc national (parc « extractiviste fédéral » précisément) . Notre bateau mouille au milieu d’une sorte d’étang entouré de forêt. Alors que le repas s’achève, nous apercevons les lumières des embarcations indiennes s’approcher doucement dans la nuit. Instant très émouvant. Puis nous embarquons deux par deux dans les barques qui nous amènent sur la terre ferme à la seule lumière de la lune.
Pedro, journaliste brésilien qui suit le RIDS, embarque sur la pirogue
petite marche jusqu'au village
Et c’est justement la nouvelle lune que les Kurumundu fêtent ce soir lors d’une cérémonie toute simple, constituée de danses et de chants très beaux. Au début nous restons spectateurs, les flashs des appareils photos crépitent mais ils font échos aux éclairs à peu près permanents lors des soirées équatoriennes, même par temps clair. Les Kurumundu forment un cercle imperméable à notre présence, comme pour se protéger. Mais à la fin, ils nous invitent à les rejoindre dans leur cercle et à danser avec eux.
en musique...(cliquez ici)
Nous deux tribus sont réunies et le commerce peut commencer.
les deux tribus
Cette fois, nul doute que l’argent de la vente de l’artisanat ira directement à la source. Cet argent leur servira à défendre leurs droits auprès du gouvernement brésiliens, à éduquer leurs enfants (une arme à double tranchant) et à se soigner. Ce petit peuple de la forêt est si beau, si gentil, si fragile, comment ne pas essayer de les aider ? Peut être que cette formule, empreinte de respect mutuel, est la voie à suivre. Je ne suis même pas persuadé qu’ils aient besoin de quoi que ce soit de notre civilisation, la forêt est riche de toutes les médecines et de tous les savoirs, il suffit de savoir les lire.
Samedi 19 avril :
Cette nuit, tania et moi avons dormit chacun dans notre hamac, en bas. On dort un peu mieux seul qu’à deux, même dans un grand hamac, mais le matin il fait plus froid…
vive la sieste !
Après un copieux petit déjeuner amazonien (fruits, avocat, omelette, confitures, fromage etc.), nous avons fait le plein d’énergie pour la journée de marche qui nous attend.
l'aventure continue
La première étape commence par la visite d’un atelier de caoutchouc naturel, issu de la culture de l’hévéa. L’intérêt est surtout historique, car bien qu’il existe un petit artisanat du caoutchouc le long de l’Amazone, cette matière ne représente plus rien dans l’économie mondiale.
l'hévéa
La marche en forêt peut débuter. Pour atteindre la forêt primaire il faut auparavant marcher une bonne heure dans une forêt dite secondaire, c'est-à-dire en partie déboisée puis reboisée, donc moins riche, et avec la chaleur et l’humidité l’effort n’est pas négligeable.
La forêt primaire est beaucoup plus touffue, haute et ombragée, l’humus est plus dense et le sable n’apparaît pas. L’Amazonie est un chef-d’œuvre de la Nature, elle a réussit à faire vivre une si grande diversité d’espèces sur le sable d’un ancien désert. Pardonnera t’elle à l’Humanité cet assassinat ? Elle me donnera une réponse plus tard, dans la soirée.
Car notre guide, Jean-Pierre, nous a informé de l’existence d’une communauté shamanique pratiquant un rituel mystique autour de l’ayahuasca, une puissante boisson hallucinogène utilisée traditionnellement par les indiens dans toute l’Amazonie.
Le jeune shaman, Indiòs, nous accueille à Alter de Chão dans sa communauté, un petit terrain d’un hectare de forêt, de plantation d’ayahuasca et de cabanes. Je suis accompagné de Tania, Catherine, Viviane et Didier de Sakti, le couple de Witte Raf (ouverts d’esprits puisque hollandais…) et de Maelle, du RIDS. Sur place, les autres membres sont des locaux, des brésiliens ou des étrangers. La culture et la consommation de l’ayahuasca est tolérée, au Brésil, dans le cadre de ces rites spirituels, mais pas son commerce car c’est un produit puissant qui nécessite un cadre approprié (paisible, naturel et bienveillant). La cérémonie en elle-même est toute simple et sans fioritures, et consiste à absorber un petit verre de chà (thé) contenant l’ayahuasca. Le premier effet n’est pas très agréable, nausée, vomitif et laxatif mais sans être particulièrement violent, ces effets s’estompant au bout d’une heure (en général).
La suite est du ressort des expériences individuelles et les effets sont variables mais souvent très puissants, avec comme dénominateur commun un rapport intense avec la Nature. Mon expérience fût particulièrement intense et mystique ; Tania était à mes côtés. Il n’y a aucun plaisir physique, comme peut apporter le tabac ou l’alcool par exemple, mais plutôt des séries d’expériences mystiques hallucinatoires, enthéogènes pour être précis, très fortes, comme de voir des animaux ou se transformer en son animal totem…, ressentir la Vie, la Terre ou Dieu. L’effet dure environ 6 heures, puis chacun raconte son expérience. Pour moi, cette séance mystique fût le point d’aboutissement de mon voyage en Amazonie, une rencontre avec la forêt, la déesse-Terre.
Dimanche 20 avril :
Nous sommes rentrés vers 5 heures du matin. A Alter do Chão les rues sont sans danger. Notre escapade n’est pas passée inaperçue dans le rallye et beaucoup sont intrigués. Peurs et incompréhension du monde occidental face au mysticisme, surtout quand il n’est pas simulé ou entouré d’artifices religieux. La veille, non loin de là, j’ai vu un concert de rock dans une église, sono à fond. Je doute que ce vacarme ait quelque chose à voir avec la spiritualité.
De ce point de vu encore, les indiens n’avaient pas grand-chose à apprendre de la civilisation chrétienne et nous aurions tout à apprendre d’eux.
En attendant ce nouvel Age hypothétique, je me remet doucement de la nuit. Durant la matinée, le Pulsion s’est déplacé à proximité de Santarem. Pour Tania et moi, ce sera la dernière escale avant le retour. Je me baigne, un dauphin apparaît, l’esprit du fleuve me dit au revoir.
la carte du trajet
Lundi 20 avril :
Dernier jour à Santarem. Il fait beau. Avec Tania nous nous préparons pour le départ, demain matin vers 4 heures. Nous prendrons un vol pour Belém, puis Rio de Janeiro, Paris, Nantes, Arzon.
Finallement, c'est au retour que la Nature me fera vivre sa plus cruelle expérience : en mon absence, mon chat s'est fait massacrer par celui du voisin, venu lui piquer sa nourriture. La vie est si fragile...